Le questionnaire de Proust de Pier Paolo Pasolini

En une nuit, Pier Paolo Pasolini entra définitivement dans la légende – lorsque l’on retrouva son corps abandonné, mutilé, sur une plage d’Ostie, en banlieue romaine ; mais que retenir de cet homme si particulier, indiscernable, aux multiples talents et dont le discours fut tant de fois récupéré par des mouvements politiques pourtant si éloignés de ses idéaux immuables ?

Depuis quelques années, un jeune groupe de comédien·ne·s – Justine Lequette, Ferdinand Despy, Simon Hardouin et Eva Zingaro-Meyer – s’est passionné pour ce cinéaste, écrivain, poète et intellectuel engagé dont l’œuvre hétéroclite et abondante ne pouvait que déboucher sur un spectacle riche et foisonnant.

Alors, pour aborder cette figure énigmatique, nous leur avons proposé de se glisser un instant dans sa peau pour répondre – chacun de leur côté – au célèbre questionnaire de Proust, et ainsi lever le voile sur celui qui changea… un peu… l’Italie.

 

Le principal trait de mon caractère ?

Ferdinand : Une douce intransigeance.

Justine : Le calme et la colère.

Simon : Obstination.

Eva : La joie, même si ce n’est pas ce qui saute aux yeux en premier je sais…

 

Quel serait mon plus grand malheur ?

Ferdinand : De devenir indifférent aux choses.

Justine : De ne pas être compris.

Simon : De vivre dans le monde dans lequel je vis.

Eva : « La mort, ce n’est pas de ne plus pouvoir communiquer, c’est de ne plus pouvoir être compris » ai-je écrit un jour.

 

Ce que je voudrais être ?

Ferdinand : Un chat.

Justine : Footballeur! Non, sérieusement, je ne sais pas… Moi-même. Tous mes moi-même. Tous mes moi contradictoires.

Simon : Un peintre

Eva : Un poète révolutionnaire, un footballeur professionnel, un paysan du Frioul, Pylade, un jeune ragazzo di vita, Gramsci, et d’autres…

 

Ce que j’apprécie le plus chez mes amis ?

Ferdinand : La joie, l’humour.

Justine : L’extravagance.

Simon : Qu’ils me contredisent.

Eva : Leur honnêteté intellectuelle, leur capacité à débattre avec moi-même quand nous ne sommes d’accord, leur insouciance, leur folie

 

Le pays où je désirerais vivre ?

Ferdinand : Il n’existe pas de lieu idéal, il faut lutter pour qu’il existe.

Justine : Un pays qui n’a pas encore été détruit par le consumérisme… Il n’y a donc plus nulle part où je désirerais vivre.

Simon : L’Italie, mais différente.

Eva : Un petit village perdu des Pouilles, avant les années 60.

 

Mes auteurs favoris en prose ?

Ferdinand : Elsa Morante.

Justine : Gramsci.

Simon : Moravia.

Eva : Gramsci.

 

Mon poète préféré ?

Ferdinand : Rimbaud.

Justine : Dante.

Simon : Ninetto.

Eva : J’en ai beaucoup. Je comprends donc que la personne qui remplit ce questionnaire n’ait pas de réponse précise à donner, et je lui pardonne.

 

Mon occupation préférée ?

Ferdinand : Marcher.

Justine : Écrire, implacablement, tous les matins.

Simon : Écrire et jouer au foot.

Eva : Créer ! Et jouer au foot.

 

Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?

Ferdinand : Il y en a plein. Huissier de justice entre autres.

Justine : Journaliste pour la télévision.

Simon : Homme politique.

Eva : Banquier.

 

Ce que je déteste par-dessus tout ?

Ferdinand : L’exploitation.

Justine : La Bourgeoisie.

Simon : La bourgeoisie.

Eva : Le conformisme petit bourgeois !

 

Personnages historiques que je méprise le plus ?

Ferdinand : Ce que je déteste et combats ne s’incarne pas dans un seul individu.

Justine : Si je l’avais connu, Berlusconi.

Simon : Giovanni Leone.

Eva : Les fascistes… ! Et Mickey…

 

Le don de la nature que je voudrais avoir ?

Ferdinand : Aucune idée.

Justine : …

Simon : Chanter comme un rossignol.

Eva : Le don de persuasion !

 

La faute qui m’inspire le plus d’indulgence ?

Ferdinand : Je ne crois pas au bien et au mal. Il n’y a pas de faute en soi.

Justine : Je n’aime pas le mot « faute ». Il fait appel à la morale et je n’aime pas le moralisme.

Simon : L’amour.

Eva : La naïveté.

 

Comment j’aimerais mourir ?

Ferdinand : Je voudrais arrêter de parler de moi.

Justine : En tant que Marxiste, je ne prends pas la mort en considération.

Simon : sur une plage… crucifié.

Eva : Près de ma mère, éternellement jeune, au bord du Tagliamento dans le Frioul…

 

Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous, après votre mort, l’entendre vous dire ?

Ferdinand : Je préfère ne pas penser pour lui.

Justine : Il y a eu une révolution ! Et elle est de gauche… !

Simon : La lutte continue.

Eva : Oui Pier Paolo… Jésus était marxiste.