Bord de scène avec Davide Carnevali

À l’occasion de son spectacle Portrait de l’artiste après sa mort (France 41 – Argentine 78), assistez à une rencontre exceptionnelle, en français, avec l’auteur et metteur en scène Davide Carnevali à l’issue de la représentation.  

Portrait de l’artiste après sa mort est une histoire sur le rapport entre présence et absence du corps du desaparecido, victime dont le destin reste incertain, entre la déportation, l’emprisonnement et la mort. Depuis les fascismes du début du siècle jusqu’aux dictatures militaires des années 70, le XXe siècle a vu émerger des deux côtés de l’Atlantique des régimes de terrorisme d’État qui ont consolidé leur pouvoir par la suppression systématique de toute opposition.  

Comment le théâtre peut-il restituer sa voix à celui qui que l’on a réduit au silence ? Comment présenter au public l’art de celui à qui on a interdit toute expression artistique ? Comment « re-présenter », sur scène, le corps du desaparecido ? Et surtout : comment raconter son histoire ? 

Dans le spectacle, l’espace artificiel de l’appartement trouve sa place à l’intérieur de l’espace réel d’une salle de théâtre ; l’espace privé trouve sa place à l’intérieur de l’espace public ; et l’espace de la violence trouve sa place à l’intérieur d’un espace de réflexion et de critique, incarné par un théâtre public comme celui où le spectacle est joué. L’urgence de proposer ces réflexions au public d’aujourd’hui s’appuie, dans notre cas, sur la fonction de témoignage du théâtre, ce qui donne l’occasion – en paraphrasant Walter Benjamin – de rouvrir l’Histoire dans une perspective critique, en sauvant de la catastrophe un passé qui attendait sa « rencontre secrète » avec le présent. Au cours du spectacle, les trois figures, celle de l’acteur, celle du musicien argentin et celle du musicien juif, s’entremêlent et se superposent à l’image des récits borgésiens, avant de se fondre dans une identité unique qui correspond à celle de l’acteur sur scène. L’acteur incarne alors le corps de ceux qui n’ont plus de corps, sa voix devient la voix de ceux qu’ont été réduits au silence. Et sa musique, jouée aujourd’hui, devient le point culminant d’un processus créatif qui avait été brutalement interrompu : récapitulation d’une suite d’événements qui vise, dans l’« ici et maintenant » de l’acte théâtral, à la rédemption historique au sens de Benjamin. 

Davide Carnevali 

Auteur, metteur en scène et théoricien, Davide Carnevali (Milan, 1981) a obtenu un doctorat en théorie du théâtre à l’Université autonome de Barcelone.  

Parmi ses œuvres, les plus connues sont :  

Variazioni sul modello di Kraepelin (2009) – qui a reçu le Prix du Theatertreffen Stückemarkt de Berlin, le Prix Riccione du Théâtre, le Prix Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre –, Sweet Home Europa (2012), Ritratto di donna araba che guarda il mare (2013), Actes obscens en espai públic (2017), Menelao (2018).  

Il a écrit et réalisé, entre autres, Maleducazione transiberiana (Teatro Franco Parenti, 2018), Ein Porträt des Künstlers als Toter (Staatsoper Unter den Linden, 2018), Lorca sogna Shakespeare in una notte di mezza estate (ERT, 2019), Ritratto dell’artista da morto (Piccolo Teatro di Milano, 2023) ainsi que de nombreux spectacles dédiés au jeune public, pour ERT Emilia Romagna Teatro et le Piccolo Teatro di Milano.  

Il reçoit le Prix Hystrio de Dramaturgie en 2018. En 2020-2021 il dirige L’École des Maîtres et depuis 2021 le workshop “Autori under 40” pour la Biennale de Venise. Ses textes, traduits en quinze langues, ont été présentés dans des saisons théâtrales et festivals internationaux. En Italie, il est publié par Einaudi, Sossella et Fandango Libri. En France, ses pièces sont traduites par Caroline Michel et sont publiées par la maison d’édition Actes Sud.  

Il est actuellement artiste associé au Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa. 

©Masiar Pasquali/Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa