Dans un espace parsemé de sable et de petits blocs de construction colorés, Léa Drouet analyse comment les représentations médiatiques de la violence nous abasourdissent et figent nos ressentis et nos pulsions d’agir. Avec la philosophe et dramaturge Camille Louis, la metteuse en scène-actrice élabore une langue minimaliste dénuée de préjugés, une gestuelle lente en harmonie avec sa voix douce, calme. C’est son regard qu’elle arme pour décrypter, parmi les aberrations du monde, les conditions qui rendent la violence légitime. Elle raconte l’histoire de sa grand-mère Mado qui, âgée de dix ans en 1942, franchit seule et de nuit la ligne de démarcation entre les zones occupées et libres, prend un train, et passe plusieurs années dans une ferme. Sur l’épineux chemin des exils forcés, apparait Mawda, petite kurde de deux ans, abattue par un policier alors que sa famille tentait d’atteindre l’Angleterre. Les scènes racontées sont reconstituées dans le sable où villes, villages, frontières sont ensuite ensevelis, comme les camps de réfugiés démantelés par l’État. Sous des airs trompeurs de jeu d’enfant, Léa Drouet aborde la violence à rebours de ses illustrations ordinaires et nous extirpe avec talent de la passivité stérile.